CONVERSATION AVEC LE SCULPTEUR-FORGERON ÉRIC BONNOT
L’artiste originaire du Vaucluse ouvre les portes de son atelier de Saint-Vrain dans l’Essonne : lumière sur un art rare.
Interview réalisé par David Laurençon
David Laurençon : Sculpteur forgeron. Est-ce que le terme convient ?
Éric Bonnot : Je le trouve même élégant. Certains préférerons celui de « plasticien forgeron », mais l’association fer – bois me permet de me considérer comme sculpteur à par entière. Définitivement, j’aime ce terme.
dL : Comment est-ce que tout cela a commencé ? C’est-à-dire, quel est votre parcours ou formation, qui vous a amené à cet art peu habituel.
Éric Bonnot : J’ai grandi au beau milieu de pas mal de sculpteurs, notamment Francois Stalhy et Parvine Curie. Et j’ai très jeune été attiré par la magie de la forge. Ne me demandez pas pourquoi, je ne le saurai peut-être jamais.
Je me suis retrouvé, dés l’age de 16 ans, en formation de ferronnier au sein des Compagnons du Devoir du Tour de France. Quelques années plus tard, ne trouvant pas vraiment ce que je cherchais dans ce métier, je me suis tourné vers la sculpture en ronde bosse, taillant dans le marbre, le bois et divers grès.
dL : La ronde bosse ? Qu’est-ce que c’est ?
Éric Bonnot : Une sculpture en ronde-bosse est un volume sculpté autour duquel l’on peut tourner physiquement. Mon travail était à cette époque situé dans l’abstraction-figurative. Cette période de plusieurs années m’a permis de comprendre que l’abstraction pure m’attirait, parce qu’elle avait une dimension plus architecturale.
dL : Plus architecturale, c’est-à dire ? Plus architecturale que quoi ? Plus architectural en quoi ?
Éric Bonnot : À travers ma sculpture, je cherche à retransmettre ce monde intérieur que nous avons tous, et que je ressens comme un espace, un lieu sacré. Comme un temple.
dL : Qui nécessite un architecte.
Éric Bonnot : Oui, mais le Grand Architecte ! Il s’agit de se rapprocher d’un mystère, celui qui fait que ce monde existe. L’idée de temple, c’est comme cela que je me figure le corps, et l’esprit qui l’habite. Encore de la grande magie !
dL : L’idée du Grand Architecte renvoie à une représentation maçonnique, et des éléments comme la « géométrie sacrée », la Force, le Nombre, la « magie », sont parmi les symboles des Compagnons. Au-delà d’une maîtrise parfaite du travail de la forge, acquise lors vos années de Compagnonnage, diriez-vous que votre création artistique figure, ou cristallise une recherche mystique ?
Éric Bonnot : Je pense que oui. Cette idée générale de temple est omniprésente, tout comme celle d’intériorité. Et le fait que j’utilise parfois le nombre d’or !
Éric Bonnot,
Forgeage au martinet (marteau mecanique de 1920 )
dL : La dernière fois que je suis venu vous rendre visite dans votre atelier, puis me promenant dans votre propriété, j’ai vu une de vos sculptures, sur le bord d’un chemin. C’était très impressionnant et c’est le mot TOTEM qui m’est venu à l’esprit. Un Totem de fer accueillant et expressif. Dans son aspect monumental, il paraissait marquer le territoire et dire : bienvenue !
Éric Bonnot : Il vous a dit bienvenue, parce que vous avez remarqué sa présence. Je suis toujours surpris de constater le nombre de personnes qui viennent à l’atelier et qui ne voient rien de ce qui les entoure ! Je me dis que les sculptures marchent toutes seules dans leur tête !
dL : Ok. Dites-moi, à propos de ce que l’on « voit » aussi ici : un mobilier remarquable…
Éric Bonnot : Il y a eu des événements qui m’ont obligé à revenir à mon métier de ferronnier, sans jamais perdre de vue la magie du feu.
dL : Quels événements ?
Éric Bonnot : La période de la guerre du Golfe, par exemple. Pas mal de galeries ont « vacillé » de par le monde, certaines ont carrément fermé. Vivre de la sculpture, être exposé régulièrement était devenu difficile. Sauf si vous étiez connu ou, au moins, coté. Ce n’était pas mon cas. Je me suis donc remis au métal en créant du mobilier.
dL : Tables, chaises, buffets… ?
Éric Bonnot : Tables et chaises, guéridons, tout ce qui entre dans la décoration d’intérieur, donc également miroirs, bougeoirs. L’intérêt pour moi était de dessiner, d’inventer des lignes.
dL : Qui étaient vos clients ?
Éric Bonnot : Beaucoup de particuliers que je rencontrais dans les salons et les marchés ; mais aussi lors de visites dans mon atelier qui se trouvait à cette époque dans un petit village médiéval de Provence. Avec beaucoup de tourisme !
dL : C’était dans le Vaucluse, là où vous aviez installé votre premier atelier de forge ?
Éric Bonnot : Oui. Tout début 1990, précisément. Il s’agissait de la reprise d’un atelier-expo déjà existant. J’y organisais des expositions collectives. Ce lieu me servait également de vitrine permanente pour mon travail.
dL : Le travail de l’homme, à présent, face à cette « grande magie du feu ». Vous sculptez, mot qui renvoie à une recherche esthétique, et vous forgez : la forge évoque, elle, une puissance physique, quasi-brutale.
Éric Bonnot : Recherche esthétique bien sûr, par contre le travail du fer par le feu demande une bonne maîtrise des techniques de forge, ce qui exclut toute forme de brutalité. Anticipation et réflexion sont maîtres dans ce métier !
dL : Je comprends. Pouvez-vous me raconter le processus, de l’idée jusqu’à l’œuvre finale ? Comment, d’un « bloc » de fer, on arrive à une œuvre d’art ?
Éric Bonnot : Le plus souvent, le dessin est ma base, avec une idée plus ou moins claire de ce que je cherche. Je dessine tout d’abord un volume qui constituera le corps de la sculpture. Il sera ensuite, soit taillé dans le bois, soit construit par assemblage de tôles. Cet « espace-corps », je lui veux une présence, une puissance.
Les vides, les pleins, les profondeurs créés définissent un espace dans lequel je dessine une ligne qui, en quelque sorte, se promène dans cet univers. Cette ligne symbolise les émotions, les pensées. Ce que j’appelle les cheminements intérieurs. Un dialogue corps-esprit s’instaure.
Pour donner corps à cette ligne, j’utilise le plus souvent des sections de fer carrées. Ce sont des barres de six mètres de long, que je débite à volonté. Le travail de forge proprement dit commence. J’essaie d’être au plus près du dessin, mais parfois la matière impose ses lois.
dL : Quel est le procédé de ce travail de forge ? C’est-à-dire, comment cela se passe, techniquement et concrètement ?
Éric Bonnot : Je porte le fer à environ 1300°. Je peux le trancher, le cintrer et le déformer. La chauffe se fait à l’aide de charbon de forge, mais aussi d’air pulsé et d’apport d’eau, qui aident à la gestion de la température. En ce qui concerne la création en elle-même, de la sculpture, je parle là de l’instantané, il faut « attraper » l’équilibre qui existe entre esthétisme, poésie et force qui se dégagent d’une forme donnée. C’est un instant très fugace !
dL : Combien coûte une sculpture ?
Éric Bonnot : Tout dépend des dimensions, du travail. Et du fait que je la trouve réussie, ou pas !
dL : Pas de chiffre, donc ? D’accord. Un mot, avant de vous remercier infiniment pour votre accueil ? Votre actualité, par exemple ?
Éric Bonnot : Quelques expos sont à venir, j’en parlerai mieux quand j’aurai plus de temps.
dL : J’ai entendu parler d’une collaboration possible à Paris avec un « artiste chinois ». Désolé, je ne sais pas de qui il s’agit, on m’a juste dit : « Éric va bosser avec un artiste chinois ».
Éric Bonnot : Ah, Ah ! Le fameux chinois. Pas de nouvelles malgré mes multiples tentatives… Au fait, je ne sais pas s’il était vraiment Chinois.
Saint-Vrain, Essonne, le 18 octobre 2022
Contacts Éric Bonnot :
bonnot.eric@bbox.fr / tel : 0666.55.8579
EXPOSITIONS ÉRIC BONNOT
– 2022 –
Salon International d’Art Contemporain, Carrousel du Louvre – Paris
– 2019 –
Salon d’art Bella-Z-Art – Paris.
8ème Biennale de sculpture contemporaine en Bourgogne.
4ème Salon Art-Expo – Ballancourt (Prix Assemblée nationale)
Marché de l’Art – Saint-Germain-en-Laye
– 2017 –
5ème Biennale de Sologne (Art Monumental en paysage)
– 2015 –
Salon Européen de la Sculpture – Strasbourg
– 2013 –
Espace Bedu – Milly-la-Forêt
– 2009 –
8ème Symposium de Sculpture, Place Dauphine – Paris
– 2010 –
9ème Symposium de Sculpture, Place Dauphine – Paris
Galerie Art-T-Choc – Mennetou-sur-Cher
GMAC – Chatou Chatou
Galerie du Pont-Neuf – Paris
– 2000 –
Jardins du Musée Renoir – Cagnes-sur-Mer