RENCONTRE AVEC LE RECTEUR DE LA CATHÉDRALE UKRAINIENNE SAINT-VOLODYMYR DE PARIS
Le Père Ihor Rantsya m’a fait l’honneur de me recevoir en la cathédrale Saint-Volodymyr Le Grand, qu’il dirige : un moment impressionnant. Une parole sûre et dynamique
Traduction en ukrainien, par Kristina Masliash > Отець Ігор Ранцяp
Traduction en anglais, par Hilary Burgess > Meeting Ihor Rantsya
David Laurençon : Avant de vous rencontrer, j’ai bien sûr pris quelques notes, j’ai pensé à tout un tas de choses. Et maintenant que je suis ici, dans votre Cathédrale, je me rends compte que je ne sais comment vous nommer. Voilà un bail que je n’ai parlé à un homme d’église. Depuis mon baptême, en fait, au cours duquel, d’ailleurs, je n’ai émis que quelques gazouillis. Mon Père ? Monsieur le Recteur ?
Père Ihor Rantsya : Je suis le père Ihor Rantsya. Je suis le recteur de cette cathédrale, la Cathédrale ukrainienne Saint-Volodymyr le Grand. « Recteur », c’est-à-dire que je dirige la paroisse. Je suis également le Vicaire Général du Diocèse pour les Ukrainiens en France, Belgique, Pays-Bas, Suisse et Luxembourg.
dL : D’accord. À Paris, combien avez-vous de paroissiens… « Paroissiens », le mot est correct ?
Père Ihor Rantsya : Oui, c’est exact. Combien de paroissiens, c’est difficile à dire, parce que nous n’avons pas de registre. Il me semble qu’il y a, au minimum, 600 ou 700 paroissiens réguliers, c’est-à-dire qui visitent notre église chaque dimanche.
dL : Vous êtes né et avez fait vos études en Ukraine, à Lviv. Comment vous êtes-vous retrouvé à Paris ?
Père Ihor Rantsya : J’étais séminariste, c’est-à-dire que j’étais un étudiant qui se prépare à être prêtre. Pendant ma dernière année d’études, mon archevêque en Ukraine m’a proposé d’être envoyé ici, pour faire les études théologiques en France. J’ai accepté. Je suis arrivé en 2014, en tant qu’étudiant, donc. J’ai commencé l’apprentissage de la langue française. En 2015, j’ai été ordonné prêtre.
APRÈS LA COLÈRE : LA VIE
dL : 2014. C’est une année importante dans l’histoire de l’Ukraine, de la Russie.
Père Ihor Rantsya : Oui. Vous savez qu’en 2014 (c’était un mois avant mon arrivée à Paris), la Russie a occupé la Crimée, puis a créé cette région du régime spécial, le Donbass. En effet, par hasard, c’était l’année de mon arrivée à Paris.
dL : Vous étiez donc étudiant… Vous souvenez-vous de votre ressenti, à ce moment-là ?
Père Ihor Rantsya : Bien sûr. Ça a été une année de nombreuses manifestations, et il y avait aussi des collectes d’argent, beaucoup d’aides… Comme maintenant. Ce que je veux dire, c’est que cette guerre n’a pas commencé le 24 février 2022. En février, ça a été une nouvelle phase d’escalade de la guerre.
dL : Une nouvelle phase à laquelle vous vous attendiez ?
Père Ihor Rantsya : Avant 2014, je ne pensais pas à la possibilité de l’agression russe, parce que malgré tout, il y avait de bonnes relations entre l’Ukraine et la Russie. La Russie a accepté, et a été parmi les premiers pays à avoir reconnu l’indépendance de l’Ukraine, à avoir reconnu les frontières. Et il y avait le Memorandum de Budapest, une concorde entre l’Ukraine, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie : l’Ukraine a renoncé à posséder l’arme nucléaire, héritée de l’Union Soviétique, contre une garantie de notre indépendance et du respect des frontières.
dL : Ce qu’il s’est passé en 2014 a donc été un choc violent…
Père Ihor Rantsya : Oui. Un très grand choc. Personne ne s’attendait à cette occupation, à cette indexation de la Crimée. D’où : en février dernier, nous étions déjà prêts.
dL : C’est-à-dire ?
Père Ihor Rantsya : C’était évident. La Russie a accumulé les armes près de notre frontière. La question était : « Quand ? »
dL : La guerre va arriver : oui, mais quand ?
Père Ihor Rantsya : C’est ça. Et c’est arrivé le 24 février.
GUERRE ET SPIRITUALITÉ
dL : Quand nous avons parlé au téléphone, quand j’ai sollicité ce rendez-vous aujourd’hui, je vous ai précisé que je ne souhaitais pas orienter l’interview vers des questions d’ordres politiques, militaires ou économiques (il y a tellement de spécialistes pour ça !), mais vers des visions, disons, spirituelles. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Père Ihor Rantsya : Beaucoup de questions se posent. Il y a beaucoup de réflexions à avoir, concernant la « perception spirituelle d’une guerre »… Vous savez, nous tous, tous les Ukrainiens sont blessés parce que c’est leur pays, orthodoxe, qui est attaqué par un autre pays orthodoxe. C’est une guerre entre deux pays orthodoxes. Cela veut dire que l’agresseur est un pays de la même foi chrétienne, de la même confession chrétienne. C’est une grande question. En Ukraine, il y a trois Églises principales, dont l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou. Son centre est à Moscou. Donc Moscou, la Russie, attaque ses fidèles. C’est vraiment très douloureux et c’est une manifestation très mauvaise pour les autres religions. Pour les Musulmans, pour les Bouddhistes, pour toutes les autres religions : des gens d’une même confession sont en guerre, et s’agressent.
dL : Je comprends parfaitement. Nous n’en sommes pas là, Dieu merci – je sais que vous me pardonnerez la formule – mais il n’est pas complètement idiot, en ces temps bizarres et fous, d’évoquer, de songer aux « guerres de religion » ?
Père Ihor Rantsya : La religion n’est pas engagée directement dans la guerre en Ukraine, pas en termes militaires. Ce facteur-là n’existe pas, et n’influence en rien la situation.
dL : Ce que je voulais dire, c’est que même si rien n’est avoué, on peut imaginer n’importe quel dérapage. « Dérapage », le mot est faible.
Père Ihor Rantsya : C’est une question très délicate. D’abord, pour que vous compreniez bien, en Ukraine il y a trois grandes Églises, comme je vous l’ai dit, trois grandes Églises qui sont de la même tradition : la tradition orthodoxe. Il y a l’Église orthodoxe indépendante ; il y a l’Église orthodoxe qui est rattachée au patriarcat de Moscou ; et il y a notre Église, appelée l’Église gréco-catholique ukrainienne. C’est une Église de tradition orthodoxe, c’est la même tradition, la même spiritualité, sauf qu’elle est rattachée au Pape de Rome. Elle reconnaît le Pape comme son chef supérieur.
dL : D’accord. Nous sommes ici dans une Église catholique.
Père Ihor Rantsya : Oui, mais de tradition orthodoxe. Il y a ces trois branches : deux de ces Églises, notre Église et l’Église ukrainienne indépendante, sont des Églises très patriotes. Dans celles-là, personne ne soutient l’invasion russe. C’est dans l’Église orthodoxe ukrainienne rattachée au patriarcat de Moscou, qu’il y a des divisions. Parce qu’il y a certains prêtres et évêques qui sont Russes d’origine, formés en Russie ou dans l’esprit russe. Certains sont indifférents. Mais il y a une autre partie, qui rejoint la nôtre : patriote, et contre Poutine. Plusieurs chefs locaux de cette église se sont exprimés ouvertement contre Poutine et contre le patriarche Cyrille de Moscou.
dL : Ils sont contre Poutine. Ils demeurent pacifiques. Où et comment portent leurs voix ?
Père Ihor Rantsya : Ils ont demandé ouvertement d’arrêter la guerre. Certains d’entre eux disent que la Russie sera obligée de reconstruire ce qui a été détruit.
dL : Êtes-vous en colère ?
Père Ihor Rantsya : En colère ? Dans quel sens ?
dL : La colère est un sentiment négatif. Vous êtes un homme d’église. Je me demande si un homme d’église peut éprouver de la colère, dans des circonstances aussi horribles. Vous êtes un homme d’église, mais vous êtes avant tout un homme, un individu, une individualité, appelons-ça comme on veut.
Père Ihor Rantsya : La réalité, c’est que souvent les gens tombent dans la colère. Par exemple, quand je me lève le matin, mon premier réflexe est de regarder les nouvelles et si je vois que ma ville est bombardée, que l’université que j’ai connue a été détruite, bien sûr que ma première réaction est la colère.
Il faut bien faire la distinction entre les sentiments spontanés, et la vie. Et oui, il y a la vie. Je ne peux pas être toujours dans la colère. La colère comme la première réaction est évidente, quand je vois de la destruction. C’est la première réaction. Il faut bien distinguer les deux : les sentiments spontanés, et la vie.
dL : Compris. Dites-moi, j’ai lu quelque part que vous aviez fait des recherches en géo-ecclésiologie. Qu’est-ce que c’est ? À l’heure de la géo-politique en veux-tu en voilà, qu’est-ce que la géo-ecclésiologie ?
Père Ihor Rantsya : Oui, en effet. Mais vous avez lu ça où ?
dL : Bah, je me suis promené sur internet.
Père Ihor Rantsya : J’ai commencé mon doctorat à l’Institut catholique de Paris, il y a trois ans, puis j’ai pris cette nouvelle fonction de Vicaire général et je me suis arrêté. Bon, la géo-ecclésiologie, c’est d’abord un domaine de la théologie, il n’y a pas d’analogie avec la géo-politique, c’est autre chose. Mon but était d’expliquer ce qu’est, d’un point de vue théologique, l’Église comme phénomène géographique. Vous savez, l’Église possède cette dimension géographique. Cela veut dire qu’il y a des territoires, il y a des églises, parfois il y a des territoires où une certaine Église a un monopole complet, comme par exemple en Russie (sur le territoire russe il n’y a qu’une seule Église dominante, l’Église orthodoxe russe).
Dans la diaspora, il y a souvent plusieurs Églises qui se croisent. Par exemple, ici à Paris, en France, il y a l’Église catholique romaine, mais il y en a d’autres. Cela soulève toujours la question de savoir comment cohabiter sur un même territoire. Tout ça, d’un point de vue théologique. Quand j’étais maître de conférence à l’université de Lviv, j’ai travaillé la géographie comme discipline scolaire, et maintenant je voudrais faire une sorte de synthèse entre géographie et théologie : expliquer ce que c’est que l’église comme phénomène géographique. Encore une fois : d’un point de vue théologique.
Pour vous donner une idée : il y a l’astronomie. L’astronomie, qui explique des choses de l’univers. Plusieurs phénomènes astronomiques peuvent être décrits soit par les moyens des mathématiques, soit par des points de vue physiques. Voilà ce que je voudrais faire : expliquer la géographie de l’Église, d’un point de vue théologique.
TOUTES LES SORTES DE SOLIDARITÉS
dL : Passionnant. Et sujet à de nombreuses digressions… Je recentre sur l’actualité :tTout à l’heure, j’ai vu et lu une affiche, plusieurs affiches, aux portes de la Cathédrale, des informations et des directives concernant la « logistique » de l’aide et des dons que vous organisez. J’ai lu que la collecte était terminée ?
Père Ihor Rantsya : La « grande collecte » est terminée, parce que nous avons été bloqués par des mairies de petits villages qui, sans nous prévenir, ont envoyé des camions ici, pour les décharger ici.
dL : Des petits villages, ici, en France ? Des villages d’Île-de-France ?
Père Ihor Rantsya : Des villages d’Île-de-France, de Normandie, de partout… Parce qu’ils savent qu’ici, c’est l’Église principale des Ukrainiens. En plus, il y a vraiment beaucoup de choses collectées envoyées en Ukraine de Pologne, d’Allemagne et d’autres pays. Nous avons un problème de logistique, et nous manquons de place. Dans la crypte de Saint-Sulpice, nous avons un espace d’accueil de dons pour les réfugiés qui sont déjà arrivés à Paris. Il y a aussi une association, l’Œuvre d’Orient, qui nous aide beaucoup… Nous sommes une paroisse, notre préoccupation est aussi d’organiser l’accueil des réfugiés, et l’écoute. Nous devons, et nous sommes toujours prêts, ici, dans la Cathédrale, pour parler avec les réfugiés.
dL : Combien de réfugiés aujourd’hui ?
Père Ihor Rantsya : Ça va être la cinquième « arrivée ». Les quatre premières fois, c’étaient à chaque fois 400 Ukrainiens qui sont venus pour prendre de la nourriture, des produits d’hygiène, etc.
dL : Vous organisez des « Chaînes de prière ». Qu’est-ce que c’est ?
Père Ihor Rantsya : Nous avons commencé ces chaînes de prières au mois de février, parce qu’il était évident que la guerre allait arriver. Chaque soir à 21h, ceux qui le souhaitent peuvent réciter deux petites prières dans leurs maisons : c’est ça, la chaîne de prière. Et quand la guerre a commencé, nous avons aussi fait des prières ici, dans la Cathédrale, après la messe du soir. À 19h30, il y a le chapelet pour la paix en Ukraine, et pour la conversion de la Russie.
Par ailleurs, la Cathédrale est ouverte jusqu’à 21h, pour la permanence de prière. C’est-à-dire que les Parisiens sont invités à venir pour prier, allumer la bougie…
dL : D’accord. D’un coup d’un seul, je passe de cette présence, de cette nature spirituelle et impressionnante, à tout autre chose : au monde comme il va dans les sphères politiques, et les fameuses « sanctions » économiques… Votre point de vue sur cet aspect (se situant au-delà de toute spiritualité), m’intéresse. Ces sanctions vous paraissent-elles pertinentes ? Utiles ?
Père Ihor Rantsya : Bien sûr. J’estime que c’est une façon efficace d’influencer la Russie et de faire quelque chose contre cette guerre. Je crois que ça marche, et en plus c’est un signe de solidarité : parce qu’ainsi le monde n’ignore pas cette réalité, la réalité de cette guerre, l’agression russe. L’organisation internationale, les gouvernements d’États font quelque chose.
dL : Cette solidarité se ressent vraiment chez les Ukrainiens, ceux qui sont « sur place » ?
Père Ihor Rantsya : Oui ! Oui, bien sûr !
dL : Et la solidarité… Par exemple, celle qui consiste à mettre un petit drapeau de l’Ukraine sur sa photo de profil facebook… Est-ce que ça compte pour un Ukrainien qui est « là-bas » ? Je ne sais pas, je suppose que oui, un peu. Mais moins que l’aide financière ou alimentaire.
Père Ihor Rantsya : Toutes les sortes d’aides, toutes les sortes de solidarité sont très importantes. Bien sûr, on peut envoyer de l’aide mais ne rien dire. Et on peut parler de beaucoup de choses sur facebook, mais sans donner de l’aide concrètement.
dL : D’accord. Il faut les deux. Causer et agir, et quand on agit, il faut que ça se sache. C’est ce que vous voulez dire ?
Père Ihor Rantsya : C’est ça. Bon, de toute façon, chaque geste de solidarité, que ce soit sur les médias, que ce soit de l’argent ; que ce soit une solidarité diplomatique, politique, économique : les Ukrainiens remarquent tout ça, bien sûr, et c’est très important.
ZELENSKY : UN PRÉSIDENT ET UN HÉROS
dL : Ces jours-ci, on peut entendre à la radio ou lire dans les journeaux qu’il y a des avancées positives… Que le commencement d’un dialogue flotte dans l’air. Vous y croyez ?
Père Ihor Rantsya : Personnellement, je ne crois pas en la parole du gouvernement russe et je ne crois pas en la parole de Poutine. Une parole de Poutine, c’est toujours un truc pour gagner quelque chose. Ça, c’est ma propre conviction et je crois que la grande majorité des Ukrainiens pensent comme ça. Parce qu’il y a déjà eu beaucoup de paroles. Vous savez, Poutine avait dit qu’il n’entrerait jamais en Ukraine.
dL : Oui. Ce n’est pas le moindre de ces tromperies. De ses bobards.
Père Ihor Rantsya : Il faut négocier, il faut faire quelque chose, mais personnellement je ne crois pas que ça marchera. C’est la même idée que partagent plusieurs de nos ministres. L’ensemble des Ukrainiens sait ça, parce qu’il y a déjà eu trop de mensonges. Et notre Président aussi, bien, sûr, sait ça.
dL : Est-ce que Zelensky est un héros ?
Père Ihor Rantsya : Oui. D’abord, parce qu’il reste à Kiev. Il faut commencer par ça, pour parler de son héroïsme. C’est la première chose, et vraiment, à mon avis, il est devenu président au cours de cette guerre. Avant, il n’était pas un leader fort, mais il va très bien jouer son rôle, dans le sens profond de ce terme et donc oui, il est un héros.
dL : Quelle est votre vision de l’avenir ? À court, moyen ou long terme ?
Père Ihor Rantsya : D’abord, ma vision est que l’Ukraine a déjà la victoire morale. D’une façon morale, l’Ukraine a déjà gagné cette guerre. Quelle sera la suite, militaire, etc., je ne sais pas. Nos ressources et nos possibilités sont limitées, donc c’est compliqué de dire.
dL : Nous avons parlé des sanctions. Bon, une intervention militaire de la France n’est pas envisageable pour mille raisons « géo-politique », justement, mais supposons : si l’on pouvait y mettre le paquet ? « Rentrer dans le tas » ?
Père Ihor Rantsya : En tant que chrétien, je peux dire que la force ne suffit pas pour arrêter le mal. Une escalade de la force militaire pourrait conduire à la troisième guerre mondiale. C’est pourquoi les croyants posent la question de savoir comment vaincre le mal par l’amour. Ce que nous faisons ici est une prière quotidienne pour la conversion de la Russie.
dL : D’accord, je me suis égaré, avec mon idée de rentrer dans le tas…
Père Ihor Rantsya : Je voudrais dire que malgré cette tragédie, nous, les Ukrainiens, nous gardons le courage et nous avons déjà commencé de penser, de réfléchir, surtout dans la diaspora, à comment reconstruire notre pays. Nous avons des projets. À mon avis, donc, nous sommes entrés dans la victoire, même si en conséquence de cette guerre, une certaine région sera occupée, ou d’autres conséquences mauvaises : mais, mentalement, malgré la souffrance, nous sommes dans le contexte de la victoire.
Pour moi, par exemple, c’est un grand signe que ma famille reste encore en Ukraine. Ma sœur, qui a deux enfants : ils restent à Lviv. Lviv, qui a déjà été bombardée. Elle me dit : « Je reste chez moi, c’est ma patrie ! » Elle est bénévole, elle prépare les abris et le caves de sécurité.
Je voudrais dire que nous réfléchissons en terme de victoire et de reconstruction de notre pays.
Et aussi, si je m’exprime comme prêtre, nous devons attendre cette conversion de la Russie.
dL : « Conversion » ?
Père Ihor Rantsya : Je vous explique : ce n’est pas la conversion dans la religion. C’est la conversion du mal, en bonheur. C’est un changement de cœur. Vous savez que internet est bloqué en Russie. Et à cause de la propagande, les gens ne comprennent pas la réalité. Nous avons une prière pour la conversion, ça veut dire une prière pour le changement de cœur du peuple russe parce que nous sommes conscients que le peuple russe souffre aussi à cause du régime de Poutine.
dL : Qu’est-ce qui vous a décidé à me dire « d’accord » pour cet interview ? Amuse-bec n’est pas un média de grande audience, et s’intéresse à l’art, plutôt qu’à la politique et à la religion.
Père Ihor Rantsya : Ma perception, ma première perception a été que vous êtes un homme de bonne volonté, avec de bonnes motivations. C’est une chose. Et la deuxième chose, c’est que cet entretien est une autre façon pour moi de parler de l’Ukraine. Voilà les deux raisons pour lesquelles j’ai accepté.
Et puis, l’art est engagé dans tout ça. Notre prière, la prière byzantine, est toujours une sorte d’art. Il y a toujours des Icônes, et c’est un art – la peinture. Il y aussi l’art de chanter – des chants religieux, et souvent ces deux types d’art accompagnent nos soldats. Ils portent l’Icône devant eux et ils ont en tête ces mélodies. C’est une façon spirituelle de résister. Il faut dire et parler de la conscience de nos soldats, de notre peuple : ils sont sur leur propre territoire, pour le protéger. Il me semble que l’art accompagne toujours la spiritualité des Ukrainiens. Y compris celle de nos soldats.
Propos recueillis le 30 mars 2022, Cathédrale Saint-Volodymyr, rue des Saint-Pères à Paris
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