UNE CHRONIQUE DE PERPÈTE

D’après une « suggestion » de son éditeur Philippe Sarr, le romancier David Le Golvan (Brutalisme) se lance et découvre l’écriture et le monde de Thierry Girandon.

Billet

Par David Le Golvan

Nous reçûmes récemment l’objet sous pli suffisamment discret avant de nous y plonger nuitamment, heure de prédilection pour se goinfrer d’un livre comme Perpète. Bref nous reçûmes en pleine tête onze boulets, bullets, boulettes, boules à facettes, boules puantes, boules tout court… à savourer au pif comme des boules au chocolat. Onze séquences de vie cul par-dessus tête, et tête par-dessous culs, tranches épaisses de vie de couples, aussi miteuses qu’épiques, celle de Jean et Brigitte surtout ,de leur vie qui se réduit à un coq-à-l’âne ubuesque, entretuerie perpétuelle, un coq-à-l’âne qui me semble la marque de fabrication du style bien épicé de M.Girandon, qui passe d’une phrase à une autre à sauts de morpion. Il y a dans tout ça une énergie copulatoire entre John Waters et un Bukowski entre autres salaces de l’Ouest, dans cet univers où le décollage fantasmatique surgit au coin de la page, comme l’émotion, bizarrement, là où l’on s’y attend le moins.

Golvan

Nouvelles – Broché
Éditions sans crispation
186 pages
EAN13 : 9791095024040

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Extrait in Perpète

Il se déplaça pour ouvrir une fenêtre. Leur lutte avait vidé l’appartement de tout l’air respirable. Jean aspirait l’air frais du dehors. Le thermomètre affichait la température de sa fièvre. Jean se servit un long whisky et le but devant une chaîne d’infos. Il voulait savoir si d’autres types avaient tué leur femme, aujourd’hui. Il craignait de voir sa bobine dans un reportage. Avec Brigitte, le lendemain, ils étaient invités chez sa sœur. Il ne fallait pas que Jean oublie d’annuler ce repas. Il dirait que Brigitte avait pris froid. Il dirait que Brigitte était morte. Il dirait qu’elle partait à Venise avec un autre homme ou une femme, avec une femme, oui. Il dirait qu’il n’aimait pas sa cuisine. Il dirait qu’il était épuisé. Cette nuit, Jean enterrerait Brigitte dans la cave. Personne, jamais, n’allait dans les caves. Il y avait des rats et des fantômes dans les caves. Jean n’y allait plus malgré quelques bouteilles de vin et de vieilles revues de cinéma. Il y avait une pelle à la cave qui servait à déneiger, l’hiver, le trottoir. Il y avait une barre à mine oubliée par l’ancien locataire. Il y avait un vieux landau. Il y avait une vieille Singer. Il dirait que Brigitte était partie à perpète.


David Le Golvan
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