Sans crispation – appréciations

« Sans crispation » : nouvelles. Editions sans crispation, 2021

Impressions, dans l’ordre d’apparition des auteurs.

Seing privé, de David Le Golvan : nous avons un couple, et monsieur et madame semblent de pas parler la même langue. On commence le recueil tranquillement, avec un dialogue de philosophes de mauvaises fois – le mâle et la femelle. Sans crispation: c’est parti.

Philippe Azar déboule ensuite avec sa nouvelle À la hache. Il « déboule », c’est le mot, et c’est génial. La vrai-fausse histoire d’un tueur de profession (à gages) que, personnellement, j’ai failli trouvé sympa. Super-texte.

C. Messyl (je préfère comme ça, ayant un mal de chien avec son pseudo, peu importe, ce qui compte c’est l’écriture, nous sommes bien d’accord). Didascalie au long cours : (une « didascalie », c’est, en théâtre et en gros, les machins et les indications que donne l’auteur à ses comédiens. Qui ne sont pas dans le texte, donc). C. Messyl : tout en poétique pure ! C’est très-agréable, de se laisser aller aux sons, aux impressions, aux images, sans franche narration.

Philippe Sarr, romancier et éditeur, présente Insurrection. Comment dire, en quelques mots ? C’est un poids-lourd, voilà tout. Le genre d’écriture qui dit au « critique » : attaque la sensibilité et la précision de mon écriture, si tu l’oses. P. Sarr ne l’avouera pas parce qu’il est timide, mais moi, timide aussi, je le dis. Sinon à quoi sert un site de chroniques de livres?

Cafard, de Stéphane Blanchet. Un auteur qui m’était tout à fait inconnu. J’ai adoré. Ce salaud a réussi à me fiche des frissons, avec l’histoire de son Serge. Superbe découverte. À lire, vraiment. Des frissons, j’vous jure, où va-t-on?

Idem pour l’auteur qui suit, Nathalie Straseele. Ce n’était pas gagné, parce qu’hélas ici, on est soupçonneux, au sujet de l’écriture féminine (oui oui préjugés et patati et patata). C. Messyl, c’était vraiment ok, parce que « tout poétique pure ».
N. Strasseele : j’ai lu avec un immense plaisir et surtout, surtout, je me suis surpris à dire à voix haute, terminant sa nouvelle Histoire de Papier : « Superbe ». J’ai vraiment dit, murmuré : « superbe » ». C’est sorti tout seul.

Le Roi de la montagne, de Mehdi Masud : Le titre seul, Le Roi de la montagne, m’a fait rire. Qu’est-de qu’il y a de drôle là-dedans ? Si vous ne voyez pas, c’est probablement parce que vous n’avez pas lu son Poussière d’étincelles & Verres fumés, ouvrage paru il y a quelques années chez Sans crispation édition (et à nouveau disponible à leur catalogue). De l’ironie, beaucoup d’esprit, de la verve et un humour mine-de-rien. Donc, avec Le Roi de la montagne, titre qui évoque, je ne sais pas, une bédé, un dessin animé, une légende pour enfants, je me suis dit : qu’est-ce que M. Masud va nous sortir ?
D’abord, cela ne se passe pas à Paris, mais quelque part dans une montagne (inédit, je crois, dans l’oeuvre de cet auteur). Ensuite, c’est toujours magnifique et drôle et admirablement écrit. Enfin, le « genre » ne relève pas tant de la nouvelle moderne ou contemporaine ou quoi que ce soit dans ce goût-là, mais du conte philosophique, à la manière de mes idoles des Lumières. C’est mon appréciation.

Guy TorrensL’oreille de Van Gogh. Un écrivain que je retrouve avec un immense plaisir – également auteur de deux chroniques, ici sur amuse-bec.com. Là, nous avons une nouvelle constellée d’évocations à la musique – punk, ou autre – toujours au service du style et du propos : une forme de rage et une extraordinaire sensibilité – qui ne s’expriment pas en hurlant dans un micro et en donnant des coups de marteau sur les cordes d’une guitare, mais par les mots. Le remarquable, c’est la grande maîtrise de l’écriture, qui permet à G. Torrens de se situer bien au-delà du « je t’écris comme je parle », du « va-comme-j’te pousse », bien au contraire : rythme & syntaxe impeccables. G. Torrens, écrivain-poète avant tout.

Jacques CaudaSangs, Crispation. Petit parralèle avec ce que j’ai écrit plus haut à propos du titre du texte de Mehdi Masud. Sangs, crispation, c’est du Cauda pur-jus, si l’on peut dire. Le sang ou les sangs, surtout. Mais, comme l’indiquent avec bonheur les éditeurs dans leur notice bio/bliographique, c’est toujours « lumineux ». Ce qui me plaît chez Jacques Cauda, c’est cette quasi-indéfinissable énergie, qui ne laisse guère de répit ; une poétique aussi précise que rouleau-compresseuse. Du « cul », oui, mais du cul joyeux.

Marie-Philippe Joncheray Disparaître est un long poème en prose (lu comme tel par moi), une fantasmagorie ultra-sensuelle (idem) ; une incursion dans les mythologies, ou alors : le récit de visions de mythes nouveaux, purement physiques et corporels. Quoi qu’il en soit et quelles qu’en soient les perceptions du lecteur, l’écriture est parfaitement propre (peut-être trop policée ?), l’exactitude du langage remarquable. A lire. C’est du sans crispation flambant-neuf.

Thierry GirandonTrèfle. Pourquoi Trèfle ? Parce que. Impossible pour moi, là-maintenant, de donner une appréciation sur une nouvelle de cet auteur que je considère comme l’un des meilleurs écrivains, parmi mes contemporains. J’ai abandonné l’édition par lassitude, je serais bien capable de recréer une maison pour pouvoir le publier à nouveau, et exclusivement.
C’est tout dire, il me semble. Si mes appréciations ne sont pas paroles d’évangiles, je ne peux que vous inviter le plus chaudement et le plus chaleureusement qu’il m’est possible, de lire Thierry Girandon dans ce Sans crispation, de le lire partout : romans et nouvelles publiées chez Huguet éditeur, Utopia éditions et, évidemment, chez Sans crispation éditions.

Le recueil Sans crispation – Nouvelles, aurait pu se terminer avec prestige sur ce Trèfle, mais non. Ce qui clôt le livre, c’est Poisson Rouge, et c’est de moi. L’histoire de deux amis. L’un d’eux sympathise avec un poisson rouge, il se transforme en poisson et termine sa soirée dans l’aquarium. L’autre tient la chandelle puis, de guerre lasse, il quitte la scène.

David Laurençon


Nouvelles

Date de parution : 7 juillet 2021
EAN13 : 9791095024057
166 pages / prix TTC : 16€

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