UKRAINE


> Вшанування пам’яті жертв Голодомору та російсько-української війни

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COMMÉMORATION DES VICTIMES DE L’HOLODOMOR ET DE LA GUERRE RUSSO-UKRAINIENNE
20 novembre 2022, église St-Sulpice, Paris

HOLODOMOR

Avant que le Père Ihor Rantsya ne m’envoie un mail m’invitant à assister à l’événement de ce dimanche 20 novembre, je ne connaissais ni le mot, ni la chose. HOLODOMOR : ce sont entre 4 et 7 millions de morts en Ukraine, en 1932 et 1933. Morts de faim. Holodomor est un mot ukrainien signifiant : « extermination par la faim ». Une idée et un plan délirant de Staline.
Pour en savoir mieux et plus sur cette tragédie historique, il y a des livres, des articles et des archives. En quelques mots, s’il est possible de résumer : pour financer son industrialisation, la Russie ordonne l’exportation massive des céréales d’Ukraine, et tant pis pour les Ukrainiens. Réquisitions ou pillages des terres, famine, froid, répression, déportations ; volonté planifiée de détruire un peuple.
Comme il arrive parfois : génocide, pas génocide ? Le seul point d’interrogation fait froid dans le dos. En tout cas tout le monde est d’accord sur les faits : crime contre l’humanité (en 2008, le Parlement européen a jugé et reconnu cette famine : « crime contre le peuple ukrainien et contre l’humanité »)[*note en fin d’article, mise à jour du 18/12/2022]

Ukraine
Statue en hommage aux victimes / Kiev, Ukraine

Lorsqu’en mars 2022, j’ai interviewé le Père Rantsya, Vicaire général de l’Éparchie Saint Volodymyr le Grand de Paris, à la question de savoir pourquoi il avait accepté de s’entretenir avec moi, pour le magazine en ligne amuse-bec, très peu porté sur la politique, l’économie ou la religion, voici sa réponse :

L’art est engagé dans tout ça. Notre prière, la prière byzantine, est toujours une sorte d’art. Il y a toujours des Icônes, et c’est un art – la peinture. Il y aussi l’art de chanter – des chants religieux, et souvent ces deux types d’art accompagnent nos soldats. Ils portent l’Icône devant eux et ils ont en tête ces mélodies. C’est une façon spirituelle de résister. Il faut dire et parler de la conscience de nos soldats, de notre peuple : ils sont sur leur propre territoire, pour le protéger. Il me semble que l’art accompagne toujours la spiritualité des Ukrainiens. Y compris celle de nos soldats.

La raison pour laquelle j’ai assisté à la Divine Liturgie de ce dimanche (célébrée par Mgr Hlib Lonchyna, évêque des Ukrainiens en France) est en grande partie dans cette réponse. La liturgie, et l’office de Requiem qui a suivi, se sont déroulés selon le rite Byzantin et j’avais envie, ou besoin, d’être là. Besoin, en fait. De voir, sentir, entendre et de me rapprocher aussi physiquement que spirituellement de l’impression puissante qu’avait eu sur moi la rencontre avec le Père Rantsya. De ses paroles de paix, d’amour et d’énergie. J’insiste sur énergie. Ou dynamisme. J’insiste, parce que sans ça, mes a priori en seraient restés au point zéro (là où ils en étaient il y a à peine un an) : vocable mou, passif et inutile des gens d’église.
Rien de tout ceci ici et je saute sur l’occasion pour rapporter ce qu’a dit Mgr Pascal Gollnisch (Directeur de L’Œuvre d’orient), prononçant son homélie :

 » Certains parlent de négociations. Mais, les négociations en vue du quoi ? Parlons, parlons, si nous pouvons obtenir la paix ! Mais si ces négociations signifient faire des concessions à l’agresseur, cela constituerait une faute morale « .
Bravo. Sans doute, on ne dit pas « bravo » dans ces circonstances, je dis quand même : bravo. Et toute la cérémonie fut magnifique ! Sans doute aussi, lorsque dans une église, l’on est transporté par une chorale et que l’on trouve ça superbe, on n’applaudit pas : cela m’a démangé mais non. Car autour de moi, l’on priait et l’on se signait. À côté, à deux pas, c’est la guerre. Depuis longtemps, c’est la guerre. On se bat, et on prie pour la liberté et la dignité.

Ukraine

C’est la fin de la commémoration. Je sors fumer une cigarette et je reviens. La conférence de presse se déroule dans une chapelle de Saint-Sulpice. J’écoute, j’enregistre tout. Je souhaite intervenir, poser une question (par exemple :  » Bonjour. David Laurençon, pour amuse-bec.com. Cette question s’adresse à tous : à votre avis, pourquoi n’ai-je jamais entendu parler d’Holodomor ? ») mais il gèle dans cette chapelle, ça me coupe la chique et je me dis que je suis un imbécile, d’avoir froid.
J’écoute encore, toujours. Je comprends mieux, j’ai froid mais je suis en sécurité et je comprends mieux.

Un homme prend la parole. Je ne sais pas qui il est. En tant que journaliste, je devrais savoir, mais je ne sais pas. Il se présente. C’est un historien, il était en France en février 2022, il n’a pas pu rentrer en Ukraine. Il raconte son histoire. Celle de ses grands-parents. Son grand-père est mort lors de la famine artificielle de 1932. Aujourd’hui, ses amis restés « sur place » lui décrivent la souffrance causée par la faim et le froid. Quatre-vingt-dix années se sont écoulées et c’est toujours la même horreur. Un autre homme prend la parole. Un prêtre. Il dit que les politiques n’apprennent rien de rien, ils ne savent pas tirer des leçons de l’histoire.
 » Tirer des leçons de l’histoire  » : une formule mille fois entendue. Je l’écoute encore et pour la première fois, je la comprends.

David Laurençon

[* Le 15 décembre 2022, le Parlement Européen reconnaît officiellement l’Holodomor comme Génocide !]


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