1. WEEK-END

BASQUIAT SOUNDTRACKS / SALON SANS CRISPATION

Philippe Sarr

SALON DES EDITEURS INDEPENDANTS

L’un n’a rien à voir avec l’autre – L’exposition Basquiat Soundtracks, à la Philharmonie de Paris ; le Salon de l’Autre livre, au Palais de la Femme, dans le 11e. L’absence de rapport entre les deux événements n’a pas d’importance. Je les réunis ici dans une seule chronique, parce que cela s’est passé sur un seul jour, un jour, ce week-end.
Avant de filer à La Villette, j’ai fait un crochet par le Salon de l’Édition indépendante, plus ou moins présenté comme le OFF du Salon du Livre de Paris (avec ce que cela comporte de prometteur, et de désespérant à la fois), je n’ai pas fait ce crochet parce que cela me botte en soi (ouh, les salons littéraires), mais parce que j’avais un ami à voir. Philippe Sarr, patron des éditions sans crispation, y exposait.
La terre entière ne le sait peut-être pas, mais j’ai fondé cette maison il y a une petite dizaine d’années, et jamais au grand jamais, comme on dit, jamais, de mon temps (comme on dit encore), je n’aurais mis sans crispation dans un salon du livre ou une fête du livre ou une rencontre du livre ou autre joyeuseté du livre. Nada. C’était comme ça, de mon temps. Le positionnement de ma promotion, le maître-mot, c’était la STUPEUR.

Philippe Sarr a pris les rênes de la maison d’édition Sans crispation en 2020 ou 21 je ne sais plus. Il a plus produit et œuvré en un an ou deux, que je ne l’ai fait en 10. Il s’est intéressé à 1000 fois plus de choses. Quand je suis entré dans le Palais de la Femme, ce vendredi ; que je me suis dirigé tout droit vers le stand E13, étaient présents deux de ses auteurs. Deux femmes et de mon temps, jamais Sans crispation n’aurait publié l’œuvre d’une femme – STUPEUR, encore (d’un autre genre, un genre amusé). « MON CHER AMI, PHILIPPE : PROMIS ! PLUS JAMAIS JE NE TE CHARRIERAI SUR L’EFFRAYANTE DÉFERLANTE DE FEMMES-AUTEURS DANS TON CATALOGUE ! »

J’ai tapé le bout du gras avec Lucile Benoit, auteur du roman « Les Goûts et les Couleurs », et avec Nina Fabrer, auteur de « J’ai Peur de ce livre » – poèmes. J’ai acheté les bouquins. Nous sommes sortis fumer une cigarette. Nous sommes rentrés. Nous sommes sortis pour boire un coup. Nina Fabrer m’a demandé si l’édition ne me manquait pas. J’ai répondu que non, pas du tout, bien au contraire. Philippe m’a demandé comment j’allais. Sans aller jusqu’à m’oublier et lui avouer que l’édition pouvait me manquer, je lui ai dit que j’étais sacrément fier et heureux de ce que devenaient les éditions sans crispation. De ce qu’il était en train d’en faire : une MAISON. Bien sûr, j’avais aussi des tonnes de choses à lui demander.
L’ambiance était superbe, je n’avais aucune idée des retombées commerciales possibles du Salon, ça ne semblait pas important, pas pour un sou, l’ambiance sentie ou pressentie était OK : au moment où je suis passé dire bonjour, l’éditeur et ses auteurs semblaient parfaitement heureux d’être là.
Philippe doit retourner bosser – être présent, être avec les autres – et moi, je dois me rendre dans le 19e. Avant de serrer les dernières mains, je lui ai fait promettre de m’envoyer par lettre/mail un topo de ce qu’il s’est passé les 21, 22 et 23 avril 2023, au SALON DU LIVRE DES ÉDITEURS INDÉPENDANTS.
Voici :

Debout 7 h en ce vendredi 21 avril (je n’ai pas dormi chez moi). Je passe à la maison récupérer les cartons de livres prêts pour l’occasion depuis plusieurs jours, prends la route, direction Paris, rue de Charonne, le Palais de la Femme, là où doit se tenir le Salon de l’autre livre, salon dont la vocation est de préserver une certaine forme de bibliodiversité…
Le trajet dure environ une heure… Arrivé sur place, je trouve un endroit où me garer… Puis vais prendre connaissance des lieux. Le Palais de la Femme est un espace dédié aux femmes, comme son nom l’indique, aux femmes victimes de violences… Gros pincement au cœur, en face se trouve le bar La Belle équipe, l’une des cibles des attaques du 15 novembre 2015… Je m’étonne de constater qu’il n’y a encore personne dans l’immense salle qui se prépare à accueillir une centaine de maisons d’éditions… Puis constate que je suis arrivé bien trop tôt (c’est une constante chez moi, que d’arriver trop tôt partout où l’on m’attend)… Peu importe, je retourne à ma voiture, décharge un premier carton de livres que je m’empresse d’aller déposer sur le stand qui nous est réservé… E13… Ressors… Deux autres voyages seront nécessaires pour tout transférer et installer ce qui doit l’être. Une petite centaine de livres, soit l’équivalent d’une dizaine de titres soigneusement disposés à plat, par petites piles de quatre ouvrages (j’enrage intérieurement car des retards d’impression font que je n’ai ni cartes de visite ni marques pages)… et donc d’auteurs qui viendront s’y relayer. Je leur ai envoyé la veille le programme… Heures de dédicace, etc… C’est mon premier salon en tant qu’éditeur… Mais je m’efforce de ne pas trop y penser (sans crispation) pendant que je regagne Pontoise par la route, le Salon n’ouvrant officiellement qu’à 14 h… Il s’agit de se montrer efficace… il va y avoir du monde… Un certain enjeu donc, le but de ce type de RDV étant de … En fait je n’en sais rien… Faire connaître la maison… Rencontrer de potentiels lecteurs et essayer de les convaincre (nos livres sont forcément géniaux !)… Ou tout simplement passer un super bon moment en compagnie d’auteurs et d’autrices, d’éditeurs éditrices, parler de tout et de rien… Accessoirement de littérature… Eh eh… Sans Crispation donc… Voilà… Sérieux, mais en toute décontraction… Facile me direz-vous ? Pas tant que ça en fait !
13 h, je repars de Pontoise par les transports en commun cette fois. Train et métro. Chargé d’une petite valise puisque j’ai décidé de passer les deux nuits du vendredi et du samedi à Paris (on m’a prêté un appartement pour l’occasion)… J’en profite pendant ce court voyage pour reprendre la lecture d’un manuscrit reçu il y a quelques jours… Prendre quelques notes… J’arrive au Palais environ une heure plus tard… Pile poil au moment où le salon s’ouvre donc… Une anomalie me concernant, n’est-ce pas !… Je file à mon stand. À mes côtés une jeune éditrice est déjà installée… Une habituée des salons sans doute. Chaque livre qu’elle est venue défendre porte sur la couverture un petit post-it, comme chez les libraires, avec quelques mots… En regardant autour de moi, je m’aperçois que la plupart des éditeurs présents rivalisent également de créativité pour exposer et faire la promotion de leurs livres… Présentoirs, supports, catalogues… Photos d’auteurs… Je joue petit à côté mais ne m’en offusque pas. Après tout l’essentiel est ailleurs ! L’éditeur que je suis aura beau y faire, il ne sera rien sans ses auteurs dont deux, des autrices, doivent d’ailleurs débarquer dans l’ après midi… Trois si je m’y intègre, étant moi même auteur.
Cette première journée se termine tard, vingt heures. Du monde mais sans plus. Quelques échanges très brefs avec quelques visiteurs… Une traductrice (français-anglais)… Quelques ventes et surtout des rencontres inopinées, auteurs, chroniqueurs pour clore… Et le discours des organisateurs du salon… Beaucoup d’engagement… Très politique tout ça, très bien, défendre une littérature à la fois exigeante et diversifiée…
La deuxième journée voit venir d’autres auteurs de la maison… Au programme de nombreuses dédicaces, échanges entre auteurs… Ambiance très cool, séances photos… Photos que je me dépêche de diffuser sur les réseaux sociaux ! Je me fonds dans ce nouveau rôle… à ma manière… Ça pulse, j’aime bien… Les auteurs jouent merveilleusement le jeu. Beaucoup d’enthousiasme de leur part… Sérieux mais décontractés… pas de crispation… une littérature sans Crispation et exigeante est-ce seulement possible ? Bien sûr , la preuve… Idem pour moi… Malgré la fatigue… Couché très tard la veille, je suis comme ça. Vivre les choses à fond… Si bien que peu à peu je me lâche à mon tour… C’est stimulant.. Sollicite d’autres éditeurs, m’informe sur leur façon de faire et de fonctionner… Leurs rapports avec les auteurs, les libraires, leur parcours d’éditeur, leurs difficultés… Pour autant ni rancœur ni ressentiment… Une certaine foi plutôt en ce qu’ils font, défendent…
… J’ai envie de faire une pause… Il fait très chaud. Il y a du monde… Purée, tous ces livres, certains très beaux… Beaucoup de bruit… Rien de désagréable en soi mais besoin d’aller prendre l’air… Ce que je fais à deux reprises en compagnie d’amis venus nous rendre visite… Petite parenthèse donc à La Belle équipe… Pour ce faire je confie la maison aux trois auteurs présents. Je suis peu interventionniste. Les gens passent regardent questionnent parfois… Un petit sourire de temps à autres… N’ayez pas peur de nos livres… Allusion à l’un de nos titres… Au contraire lire permet de surmonter ces peurs qui nous envahissent…. Cela d’où qu’elles viennent…
J-3… J’ai mieux dormi que les nuits précédentes… Et J’en suis déjà à regretter les deux jours d’avant… Aimerais que cela se prolonge encore…
… Autres auteurs ce jour-ci… Et certains qui étaient présents la veille le sont encore… Pas de lassitude dans leurs regards, leurs gestes… Au contraire… Une certaine joie d’être là semble même les animer. Dirait que l’on forme eux et moi une forme de petite famille partageant des valeurs et des projets communs, la même vision de la littérature.
Beaucoup de visites ce dernier jour, d’échanges avec des visiteurs curieux, bienveillants… Pas mal de ventes aussi, comme la veille… Au delà de ce que j’en attendais, sérieusement… Ce qui signifie que l’on, auteurs, éditeurs, a su/pu d’une certaine façon susciter un certain intérêt de la part des lecteurs, ce qui est gratifiant pour tout le monde… Des gens se sont interrogés sur le nom de la maison… Sans Crispation c’est quoi ? C’est ça, c’est nous… Ce sont nos livres…
N’ayez pas peur… Lisez nous…

Merci, Philippe. Je lirai et un maximum de gens lira aussi. C’est un ressenti profond, inexplicable – inénarrable. Un pressentiment. Quelque chose est en train de se passer du côté des éditions sans crispation.
Pas de transition utile entre la rue de Charonne et les Halls de La Villette ; entre les marches menant au Palais de la Femme, et les portiques de la Philharmonie. Il est 17h.


SOUNDTRACKS

J’ai du faire une mauvaise manipulation : aucune trace de mon enregistrement (sonore) de l’expo. (Mais une courte vidéo – que je garde pour ma collection privée : devant un écran géant, Marguerite danse avec Jean-Michel qui danse avec Blondie dans le clip « Rapture »).
L’expo est présentée ainsi, grosso modo : l’importance de la musique dans l’œuvre et la vie de Basquiat. Jazz, hip-hop, classique, pop punk etc.
Tous les gens qui s’intéressent de près ou de loin à Basquiat savent ce truc. Jean-Michel Basquiat et la musique. L’omniprésence de la musique, l’obsession du son. Les jazzmen noirs. Les rappeurs. Les boxeurs et leur musique à eux. Et les junkies artistes new-yorkais – blancs et noirs.
C’était OK. Tout de même, si l’on m’avait confié l’organisation de l’expo, je m’y serais pris autrement. Plutôt que de tout balancer, comme ça – vidéos-photos-clips-tableaux – à la va comme j’te pousse, d’un espace à l’autre, j’aurais :
PRIMO : organisé une soirée sans public, sauf moi. Ces silhouettes qui déambulent me gênent et me gâchent le paysage.
SECUNDO : sélectionné cinq ou six tableaux JAZZ, je les aurais posés dans une immense salle unique close et j’aurais fait jouer Miles Davis AU VOLUME MAXIMUM.
Là, à la Philharmonie, c’est comme s’ils avaient baissé le son, de peur de réveiller les voisins.
TERTIO : il n’y a pas de tertio. C’était génial, en fait.
David Laurençon

PS : Je suis rentré chez moi avec trois bouquins. Les deux sans crispation Lucile Benoit et Nina Fabrer + le catalogue de l’expo. Ce qui m’angoisse dans tout ça, c’est de penser qu’on n’en finira jamais de découvrir des trucs. Flippant. J’ai quitté les réseaux sociaux pour re-devenir quiet, et me voilà à crever d’envie de partager tout ce qui m’enthousiasme.
PPS : Si, il y a un tertio. BASQUIAT SOUNDTRACK nous vient du Musée des Beaux-Arts de Montréal. Le titre original est À PLEIN VOLUME : BASQUIAT ET LA MUSIQUE. C’est l’à plein volume, qui a manqué dans les murs de la Philharmonie de Paris.

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